Aperçu géologique du Luxembourg
Index de l'article
2. Histoire géologique
L'histoire géologique d'une région est inscrite dans la nature lithologique des roches de son sous-sol ainsi que dans leur disposition et structure. Le contenu fossilifère des roches permet, en se basant sur l'évolution des faunes et flores, une datation relative des roches et donc l'inscription de leur époque de formation dans le "calendrier géologique".
Les cartes géologiques présentent la disposition actuelle des roches et les tableaux stratigraphiques y afférents présentent le calendrier géologique. Le tableau 1 montre le "calendrier géologique" pour le Luxembourg. Une colonne chronologique y figure également ainsi que les principaux épisodes de l'histoire géologique de notre région.
Les roches qui constituent l'Eisléck se sont déposées sous forme de boues argileuses et de sables sur les fonds marins des mers de l'époque Siegénienne et Emsienne. Un continent nordique, appelé "Old Red" existait au nord. Sa côte sud se situait à la hauteur de la Manche et du Danemark. Des ilots étaient localisés sur le territoire de la Belgique actuelle, l'eau recouvrant alors une large partie de l'Europe au sud.
Les produits provenant de l'altération des roches de ce continent d'âge Cambrien ont été charriés par les cours d'eau à travers ce paysage dévonien vers la côte où les éléments grossiers se sont déposés à proximité des rivages. Les éléments fins (argiles et sables fins) ont pu être entraînés par les courants marins vers le large où ils ont sédimenté.
Des mouvements verticaux lents, de subsidence (enfoncement) du fond marin ont permis l'accumulation de très grandes épaisseurs de sédiments sous de faibles profondeurs d'eau. Actuellement, l'épaisseur totale de la série dévonienne ainsi accumulée et affleurant au Luxembourg est évaluée à plusieurs milliers de mètres.
Sous la charge des dépôts successifs, une compaction et une transformation des sédiments meubles fraîchement déposés s'opèrent. Ces phénomènes dits de diagenèse s'accompagnent d'une expulsion de l'eau contenue dans les vides du sédiment et conduisent à la lithification. Ainsi, les sables se transforment en grès et les boues argileuses deviennent des argilites.
A la période du Carbonifère, le plissement hercynien (ou varisque) a affecté l'ensemble des nouveaux dépôts déjà consolidés de même que le socle cambrien. Les mers ont été refoulées par les mouvements de surélévation de la nouvelle chaîne de montagne hercynienne, dont les restes forment l'Ardenne actuelle. Pendant la phase de plissement, les roches cohérentes se sont transformées davantage et les grès purs ont recristallisé en quartzites tandis que les argilites ont évolué en schistes, caractérisés par une schistosité (débit de la roche en plaquettes) ou même en phyllades (schistes ardoisiers).
Immédiatement après l'émergence de la chaîne de montagne, les phénomènes d'érosion et d'altération, identiques à ceux actifs actuellement, ont commencé à raboter les reliefs fraîchement formés.
Au début de la période du Trias, les mers triasiques ont progressivement envahi et recouvert à nouveau le socle continental ardennais altéré. La progression des mers s'est faite de manière générale à partir de l'est. La disposition du continent ardennais et de sa côte était irrégulière, tout comme les côtes marines le sont aujourd'hui. Il existait des reliefs plus marqués et des régions de dépressions ou de plaines.
Notre région était caractérisée par une dépression centrale, appelée aujourd'hui dépression Eifelienne, et un relief plus marqué se situant de part et d'autre. Un bras de mer occupait progressivement cette dépression appelée aujourd'hui Golfe de Luxembourg. La disposition de la dépression est figurée sur les cartes géologiques régionales. La figure 1 schématise son orientation. Son extension de l'époque était bien sûr beaucoup plus grande et avait une orientation approximativement nord-sud.
Les rivages des mers du Buntsandstein (de l'époque du Buntsandstein), du Keuper et du Muschelkalk se situaient dans notre pays. Dégagés par l'érosion actuelle, ils peuvent être observés aujourd'hui sur le contact Gutland-Eisléck.
Les nouveaux dépôts, formés à proximité du rivage étaient, tout comme on peut l'observer aujourd'hui le long des côtes rocheuses, constitués souvent d'éléments grossiers (graviers et sables). Ils sont caractérisés en plus par une coloration rouge typique du climat tropical régnant au Trias. Les éléments grossiers se limitent à la zone côtière. Plus au large, a lieu, à la même époque et dans la même mer, une sédimentation de boues argileuses et carbonatées.
Les rivières ont charrié les produits d'altération du continent ardennais vers la mer. Les éléments grossiers se sont déposés ensuite dans la zone côtière dans les deltas des cours d'eau. Les vagues les ont remaniés et les courants marins ont transporté des éléments plus fins au large. Des distributions et des dépôts se font selon la force des courants. Au large se produit une sédimentation caractérisée par une granulométrie décroissante passant des sables fins aux boues argileuses ou carbonatées.
Les produits de dissolution des roches du continent sont transportés également en solution par les rivières. Arrivés dans le milieu marin, ils y peuvent précipiter et former des sédiments chimiques comme les carbonates. Dans des bras de mer isolés ou dans des lagunes, il peut s'opérer, sous le climat tropical, une évaporation intense et il peut y avoir précipitation de gypse. Une évaporation plus poussée permet la précipitation de sel. Des phases de remplissage et d'évaporation successives de ces domaines marins peuvent engendrer une alternance de ces différentes roches.
Les roches du Muschelkalk et du Keuper visualisent très bien par leurs variations de faciès (l'ensemble de leurs propriétés) ces différents milieux de dépôt. Ainsi les roches gréseuses et conglomératiques (issues de dépôts de sable et de graviers) affleurant au bord nord-ouest du Gutland, passent rapidement vers le sud-est à des ensembles dolomitiques et marneux.
Ainsi, le Grès de Mertzig, déposé à la fin de la période du Muschelkalk, est a prédominance rouge; le Grès de Gilsdorf, correspondant au même niveau mais déposé plus loin de la côte, est de couleur verte avec seulement quelques bancs rougeâtres. Vers le sud-est, l'épaisseur du niveau gréseux diminue rapidement et sur les versants de la Moselle, on ne rencontre plus que des dolomies.
Les roches du Muschelkalk présentent de ce fait des propriétés différentes variant latéralement de l'ouest vers le sud-est. Les ensembles gréseux et conglomératiques déposés à proximité des rivages et affleurant actuellement au bord nord-ouest du Gutland sont groupés du point de vue hydrogéologique en une aquifère du Muschelkalk et du Keuper en faciès de bordure, tandis que les roches dolomitiques de l'est du pays forment l'aquifère dolomitique du Muschelkalk supérieur.
Les dépôts des mers du Jurassique (mer du Lias et puis mer du Dogger) ont recouvert progressivement les dépôts triasiques. Les dispositions des continents et rivages de ces époques étalent différentes de celles du Trias; elles variaient avec les mouvements de subsidence du milieu marin et de surélévation du milieu continental.
Aux dépôts sableux du lias Inférieur (transformés plus tard en grés) se sont succédé les sédiments argileux du lias moyen et supérieur. La sédimentation mésozoïque s'est poursuivie par les dépôts détritiques et gréseux de la Minette. Le milieu de dépôt a de nouveau changé au Dogger supérieur lors du dépôt des calcaires de Rumelange. Ces derniers sont formés de calcaires à récifs coralliens avec des intercalations marneuses. Ils constituent les sédiments marins les plus jeunes du pays. La nature des roches et leur structure montrent que les rivages des mers du Dogger étaient disposés est-ouest et se situaient à quelques dizaines, voire vingtaines de kilomètres au nord des affleurements actuels
Lors du plissement alpin, pendant que les Alpes ont été formées et élevées en chaine de montagnes, les roches mésozoïques de nos régions ont été soulevées et ondulées légèrement. Le socle dévonien situé sous ces sédiments mésozoïques, était déjà trop induré par le plissement hercynien, n'a pas pu se plisser davantage et il n'a été que fracturé et faillé. Des failles anciennes datant déjà des phases terminales du plissement hercynien ont été réactivées et ont affecté localement la couverture mésozoïque en y induisant des déformations plastiques ou cassantes.
Des mouvements de soulèvement différentiels et des résistances différentes à l'altération sont à l'origine de la disposition géomorphologique actuelle de nos paysages. Ces mouvements de soulèvement se poursuivent actuellement. Des relevés topographiques de précision mettent en évidence un soulèvement et bombement de l'Ardenne; au point culminant en Ardenne centrale ce mouvement est d'environ 1 millimètre par an.
L'altération tertiaire a entamé ensuite les nouveaux reliefs. Un premier réseau hydrographique s'est établi et a commencé à entailler ces vallées dans le substratum rocheux. Des manteaux d'altération se sont formés sur les roches du nouveau relief. Ils se sont transformés et se sont épaissis progressivement. Sous l'influence de la gravité, l'éboulis a glissé sur les pentes vers les cours d'eau qui se sont approfondis progressivement au fur et à mesure du soulèvement du continent. Les cours d'eau ont assuré le transport du matériau d'altération vers l'ancienne mer du Nord où de nouveaux dépôts ont eu lieu.
Au cours des derniers millions d'années, pendant les périodes glaciaires, des dépôts de lœss (limons sableux éoliens) se sont accumulés sous l'effet du vent. Ces couvertures limoneuses ont également été soumises à l'érosion et aujourd'hui, il n'en reste que quelques lambeaux sur les plateaux.
Le paysage actuel avec son manteau d'altération, sa couverture de sol et sa végétation s'est formé à partir de la dernière glaciation il y a 10'000 ans. Les cours d'eau étalent à ce moment à un niveau de creusement et d'enfoncement maximal situé pour les cours d'eau importants entre 5 et 8 mètres sous le niveau de la plaine actuelle. Depuis lors, le niveau de mers actuelles s'est relevé et l'accumulation d'alluvions actuelles s'est opérée progressivement.
L'érosion et l'altération se poursuivent aujourd'hui et notre paysage se transforme lentement. Très localement, les modifications du paysage sont rapides et de nature catastrophique (glissement de terrain, éboulement de falaise, érosion de sol non couvert de tapis végétal). L'homme est intervenu dès le développement de l'agriculture. Il y a environ 12'000 ans, aujourd'hui, il provoque, par ses multiples activités, de nombreuses modifications dans le paysage, parfois rapides et irréversibles (exploitation de mine, affaissement, modification de l'écoulement des eaux superficielles et souterraines).